Témoignage : Derrière une femme – officiellement hétérosexuelle – peut se cacher, un pédophile opportuniste…

J’avais entre 4 et 5 ans. Je ne sais plus vraiment. Ma mère a toujours été une mère présente, vigilante avec une compréhension presqu’instinctive que dans le regard de l’autre, moi fillette, biologiquement dotée d’un vagin, pouvait toujours être un objet de désir – peut importe mon âge. Elle était donc toujours aux aguets.

Elle l’était d’autant plus que 1 à 2 ans plus tôt, j’ai dû subir des agressions sexuelles dont je n’avais aucun souvenir mais qui ont provoqué des troubles de la santé et du comportement et nécessité un suivi médical de plusieurs mois. Mais là, ma mère me croyait en sécurité.

Jamais elle n’a soupçonné que sa nièce adulte et en vacances chez nous, se servait de moi pour ses expériences sexuelles. Je me rappelle qu’elle m’a montré des images pornographiques. Je me rappelle qu’elle a dit de faire pareil. Je me rappelle de la pénétration avec les doigts. Je me rappelle qu’il ne fallait pas le dire. Je me rappelle que cela a continué pendant tout son séjour de …… je ne sais pas. À cet âge là, le temps est une notion étrange. La suite, pour moi a été de considérer que c’était la norme. Qu’ainsi devaient se passer les choses. J’ai été exposé à d’autres. Pendant longtemps j’aurais plutôt dit je me suis exposée à d’autres attaques sexuelles. Certains adultes ont peut être vu l’enfant troublé que j’étais et ont tenu leurs places d’adultes. D’autres – face à une enfant qui ne fuyait pas le danger comme elle aurait dû, comme le prescrit notre culture, en ont profité. Il y a eu d’autres « doigtés », des demandes de fellations face auxquelles j’ai obtempéré.

Jusqu’à ce jour où, ma mère nous a surpris, reproduisant tout ca avec un petit garçon de mon âge. Elle ne s’est pas posée beaucoup de questions. Les coups furent ce jour là comme une pluie tropicale: féroces et intenses. Je ne me rappelle pas une partie de mon corps qui ait trouve grâce. Mon père entendant mes pleurs est venue demander ce qui motivait une telle punition. Après les explications de ma mère, il a estimé que décidément, il n’avait pas plu encore suffisamment. Je ne sais pas ce qui leur déplu le plus. L’expérimentation elle même, la réalisation que j’en étais l’instigatrice, ou peut être les deux. En tant que mère de deux enfants que je protège férocement, je sais aujourd’hui avec certitude qu’à cet âge là , (je devais avoir moins de 7 ans quand tout ceci s’est passé,) les enfants ne s’engagent pas dans des activités sexuelles de cette nature avec d’autres à moins d’avoir été exposé à des images, des expériences auxquelles ils n’auraient pas dû. L’ainé de mes enfants a un âge plus avancé que celui que j’avais au moment des faits et je garde jalousement sa petite bulle d’enfant.

À ceux qui disent – mais pourquoi les victimes ne disent rien, pourquoi on ne se débat pas? Pourquoi on ne raconte pas? « Nevigbegle » – Je réponds, les enfants ne naissent pas « gbéglé ». Et leurs réactions varient d’une personne à une autre. J’ai subi d’autres agressions sexuelles plus tard qui m’ont laissé « gelée » comme si tout cela arrivait à une personne autre que moi. Bien des fois, je me suis retrouvée la gamine de 4-5ans déphasée, dépassée par ce qui se passait. Le pire, c’est que plus tard et pendant longtemps, je me suis engluée dans des relations sans queue ni tête. Plus lui était insaisissable, compliqué, plus il faisait des coups tordus, plus j’étais accroc….. poursuivant inlassablement, le cycle de violence contre moi ; un cycle dans lequel j’étais devenue, finalement, mon propre bourreau.

Puis il y a eu la prise de tête amoureuse de trop. Ce n’était même pas, vu mon historique amoureux de l’époque, une humiliation particulièrement blessante. C’était juste celle de trop. Mon corps s’est mis à pleurer des larmes que je ne savais littéralement pas arrêter. Je mettais des glaces sur mes yeux bouffis pour aller au boulot et tenir la journée pour rentrer le soir et laisser libre cours aux chutes du Niagara. Je venais d’avoir une promotion importante, j’étais tout le temps en train de voyager. De l’extérieur, je cochais toutes les cases de réussite sociale et professionnelle mais à l’intérieur l’auto-combustion avait atteint son paroxysme.

Il m’a fallu 25 ans pour révéler ce que je pensais être ma première attaque – celle par la nièce de ma mère. Ma mère m’a dit – et je présume que c’était sa façon de s’excuser- qu’elle avait mal réagit le jour où elle m’a surprise avec le petit garçon. Elle m’a surtout révélé que ce n’était probablement pas ma première agression sexuelle. Les psy qui m’avaient suivi durant mes troubles du comportement lui avaient dit que j’avais subi probablement une ou des agressions sexuelles mais que vu mon âge, il était fort possible que je n’avais pas les mots pour dire mes maux. Tout cela s’est probablement produit au « jardin d’enfants » au moment où j’avais entre 2 et 3 ans. Et je n’en ai aucun souvenir.

Des années de thérapie m’ont permis de me réparer, de trouver des mots pour exorciser mes traumas, crever les abcès vieux de 25 ans et les voir se transformer en larmes sans fin. Il y a des techniques pour aller chercher et former les souvenirs que votre cerveau s’est obstiné à ne pas former. Le psychothérapeute a insisté pour que je ne le fasse pas. L’absence de mémoire m’a t-il dit est un mécanisme de protection quand notre corps comprend presqu’instinctivement qu’il y a des traumas dont on ne peut se relever. J’ai toujours un rapport compliqué avec mon corps – que j’ai malmené à souhait – et longtemps trimballé comme une carcasse dont je ne savais vraiment pas réellement que faire. Ma sexualité d’adulte – au sein de relations consenties – fut problématique pendant longtemps. J’y travaille toujours. Mon rapport au toucher – pas simplement sexuelle – est tout aussi problématique. Mes proches savent qu’il ne faut pas trop me toucher, certainement pas sans me prévenir. Ça a toujours été conçu comme moi et mes bizarreries.

Agresser un enfant, c’est hypothéquer son avenir parce que vous ne savez jamais quels chemins prendront les mécanismes de reconstruction de soi, de l’estime de soi, de son identité, de son rapport au corps. Bref, l’agression rend la construction de soi et de son rapport à l’autre extrêmement compliquée. Agresser un enfant, c’est l’affubler de « démons » avec lequel il ne cessera de se débattre toute sa vie durant. Mes cicatrices sont là, imperceptibles pour vous de l’extérieur, mais pour moi, très présentes. J’ai appris á vivre avec la zone d’ombre que mon cerveau a crée pour que je puisse survivre, cassée, blessée, meurtrie mais vivante. Parfois, c’est le plus important : vivre ou survivre. J’ai survécu à tout cela, grâce á une combinaison extraordinaire de ma propre résilience, un travail incessant sur moi même, grâce à une famille – et une mère – formidable (sa réaction était une erreur terrible comme nous le faisons tous à un moment ou à un autre dans l’éducation de nos enfants) des auteurs de livres qui sans le savoir m’ont littéralement tenu la main de façon invisible. Je suis la, femme noire, Africaine, debout, reconstruite, dans une relation épanouie, le regard tourné vers l’avenir. (Le travail de reconstruction s’est fait avant la rencontre. Je n’aurais pas pu entrer dans une relation saine, si je n’avais pas pris le temps de me poser et de faire ce travail énorme sur moi même.)

À vous tout.e.s mes co-survivantes, Je vous salue vous tout.e.s, vous dont l’innocence a été volée trop tôt. Vos victoires ont été mes victoires. Vos paroles de dénonciation ont rendu mon silence moins lourd, allégé ma culpabilité de n’avoir pas su me protéger, de ne pas avoir été suffisamment forte. Surtout, vos témoignages m’ont permis de me rendre compte que je n’étais pas, malheureusement, une exception. Merci d’avoir soulevé la chape de plomb qui a longtemps étouffé nos voix. Je tenais à écrire ce témoignage pour dire ceci: les agresseurs ne sont pas toujours des hommes. Derrière une femme – officiellement hétérosexuelle – peut se cacher, un pédophile opportuniste. Les victimes quand à elles, ne sont pas toujours des enfants pauvres nées dans des familles à problèmes. Anonyme..

Source: témoignage publié avec la permission d’Ayawa’s, une marque engagée dédiée à la cause des femmes et enfants en situation d’abus. Au lieu de collectes de fonds pour mener des actions sociales, elle présente des produits locaux en édition limitée.

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Crédits photos: Google images

Mots clés: abus sur mineurs; agressions sexuelles, pédophilie, femme pédophile; psychothérapie, résilience.

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Je suis Samuella NOUMEDEM, psychologue basée à Douala au Cameroun et je réponds au +237 679972937. Cliquez ici pour me retrouver sur Whatsapp : wa.me/237679972937.

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